Sur les traces de ceux qui nous ont précédés à Mouzillon

Les années qui suivent la période révolutionnaire

Au cours des années qui suivent la période révolutionnaire, deux institutions vont encadrer la communauté des mouzillonnais

premièrement : la commune

Le maire, Jean-Gabriel BOUCHAUD, et le conseil municipal jouent un rôle remarquable; en témoignent les actes d'état civil qui recomposent les évènements des années troublées. Le langage est délicat, les expressions sont fermes et factuelles, mais toujours respectueuses des personnes qu'elles aient été vendéennes ou républicaines.

A partir de 1800, les compte-rendus de chaque réunion du conseil municipal témoignent de leur attention de façon à respecter les budgets, les affaires publiques et la patrimoine local, comme le pont antique, l'église, le presbytère.

deuxièmement la paroisse

A partir de 1803 René Pierre GUERIN est nommé curé de Mouzillon et il y restera une dizaine d'année. Originaire de Vallet, il n'avait pas accepté la Constitution Civil du Clergé; il est donc réfractaire. Il semble qu'il soit resté dans le diocèse de Nantes pendant la période révolutionnaire.

Avec lui commence une reprise en main de la paroisse et c'est la paroisse qui va l'emporter sur toutes les questions de mémoire, de rappel des faits de violence, d'oubli de la honte.

Sous la période de la restauration (1815-1830)

La commune aura pour Maire (de 1808 à 1820) d'abord Auguste PEPIN, époux de Aimée Marie Elisabeth LENFANT de LANZIL. Auguste PEPIN sera peu présent à la Mairie mais sera secondé par BUREAU, 1er adjoint. Cette famille BUREAU qui possédait la Robinière avait acheté le presbytère, c'est dire que les relations entre la commune et la paroisse sont très étroites.

Puis, c'est Auguste MOSNIER de THOUARE, époux de Augustine Marie DUBOIS de la FERRONNIERE, qui sera le Maire de 1820 à 1830.

Avec ces deux maires, c'est l'aristocratie terrienne et religieuse qui est au pouvoir à Mouzillon comme en France; elle n'est pas républicaine.

De plus, c'est au cours de cette période de restauration que les anciens de l'armée Catholique et Royale (= les insurgés vendéens) vont se donner des attestations dans le but d'obtenir des allocations, des rentes, des indemnités diverses. Ils portent une mémoire combattante et catholique. Leur mémoire va effacer la honte des mouzillonnais qui se sont entre-tués pour perpétuer la mémoire des glorieux vendéens qui se sont battus contre la République. C'est cette mémoire qui consciemment ou inconsciemment va dominer pendant les deux siècles qui suivent.

Les descendances des insurgés vendéens

Parmi les insurgés vendéens qui ont combattu dans l'armée Royale et Catholique, nous pouvons noter

1- que Augustin DENIS a poursuivi sa vie au Grand Plessix. Parmi ses descendants, on compte 5 religieuses et 2 prêtres

2- que Pierre GUILBAUD a poursuivi sa vie au bourg de Mouzillon. Parmi ses descendants, on compte 3 religieuses, 1 missionnaire du Sacré Cœur d’Issoudun, 1 prêtre diocésain et 1 évêque.

La mémoire collective des Mouzillonnais a été profondément marquée par l'épopée des insurgés vendéens. Des familles ont été conditionnées par cette vision religieuse et politique.

Un état civil avec connotation religieuse

Les actes de naissance du registre d’État Civil, des années 1816 et 1817 portent des mentions marginales sur les lieux de baptême quand cet acte religieux est célébré hors de Mouzillon : à Vallet, à Clisson ou a Gorges, comme si un contrôle religieux était effectué au niveau de la commune.

Qui a ajouté ces mentions ?

Pourquoi les Mouzillonnais ont-il construit une si grande église ?

La première réponse peut tenir en une phrase : les Mouzillonnais en construit une si grande église pour cacher, pour oublier la honte des violences vécues dans cette paroisse au cours de la période révolutionnaire. Des Mouzillonais ne sont pas seulement morts, victimes de l'armée républicaine, certains sont morts victimes de vendéens qui étaient des Mouzillonnais ayant refusé la conscription.

Une deuxième réponse, plus économique, ajouterait : Ils ont construit une si grande église parce que le commerce du vin avait été favorable au cours des années précédentes. Mais alors pourquoi avaient-ils investi dans l'église plutôt que les écoles, ou dans des voies de communication, ou dans un développement des services publics ? La réponse est la suivante : les Mouzillonnais ont construit une si grande église pour cacher, pour oublier la honte des violences vécues dans cette paroisse au cours de la période révolutionnaire.

Un prêtre condamné pour non-respect du concordat

La journal de Phare de la Loire, en date du 03 janvier 1886, fournit cette information : "M. Lecadre, vicaire à Mouzillon est condamné à 5 francs d'amende pour avoir célébré un mariage avant l’accomplissement du mariage civil".

Émile LECADRE, né à Redon (35) en 1849, a été ordonné prêtre en 1876. Il fut professeur au séminaire de Nantes. Il connaissait donc les termes du Concordat entre l’Empereur Napoléon 1er et le Pape PIE VII. Son action qui consiste à célébrer un mariage religieux avant le mariage civil était donc une faute caractérisée qui méritait une condamnation. Cette action n'était pas innocente, c'était une façon, pour lui, de montrer la primauté du pouvoir religieux sur le pouvoir civil local, la primauté de l’Église Catholique sur la République Française.

La priorité des écoles catholiques sur les écoles de la République Française

Une école publique a bien été mise en place par la municipalité au début du XIX siècle.

Mais c'est une donation (voir le conseil municipal du 09/02/1843)qui permis l'ouverture de l'école des filles rue de la Fosse. Cette donation prévoyait un encadrement par des religieuses. Suite aux problèmes d'insalubrité rue de la Fosse, une nouvelle école a été construite par la municipalité pour les filles. Cette école a été prise en charge par la mairie. mais suite à la séparation de l’Église et de l’État, les catholiques ont voulu avoir leur école, dirigé par des religieuses. La municipalité (Conseil municipal du 15/08/1904) a reversé 3 000 francs au conseil de fabrique de la paroisse (en restitution de la donation de 1843) pour la construction de l'école Notre-Dame-de-Lourdes, qui ouvrira en 1911. Cette opération financière montre l'état d'esprit de responsables municipaux et paroissiaux.

Les écrits de Basile GANICHAUD

Basile GANICHAUD est né le 08/05/1883 dans le bourg de Mouzillon. Il est le 4ème enfant de Julien GANICHAUD et de Marie BOURDIN. Il fut ordonné prêtre du Diocèse de Nantes en 1907. Il a été nommé professeur à l'Externat des enfants nantais puis vicaire à la paroisse Saint Similien de Nantes en 1931 et enfin curé de la paroisse de Bouaye. Il est mort à Bouaye le 14/02/1953.

Basile GANICHAUD mit à profit sa vie nantaise pour consulter les archives relatives à Mouzillon. Ses notes furent reprises par des curés de Mouzillon (Joseph LEBAS, Pierre ROBERDEL et Edouard TAVERSON) et publiées dans le bulletin paroissiale "Écho de Mouzillon" et "Carillon de Mouzillon". C'est cette version et cette perception qui furent adoptées et crues par les paroissiens tout au long du XXe siècle. Les faits et les appréciations sont rapportés dans une version catholique, plutôt antipathique par rapport à la République Française. Ainsi trouve-t-on sous la plume de Joseph LEBAS

_"Dans cette Vendée à l'humeur égalitaire et hardie, il y avait peu de séparation de classes. En ce pays, nobles et paysans, fermiers et propriétaires vivaient en frères, s'aimaient, s’entraidaient mutuellement. Il ne faut donc pas ajouter foi aux braillards des banquets de 14 juillet. Les pauvres gens parlent, ou plutôt hurlent pour associer leurs passions et leur haine. Ils sont ou des ânes ou des menteurs; à eux de choisir.

Notre pays était avant tout profondément religieux. Toucher à la foi de ses aïeux, qui était la sienne, c'était blesser à la prunelle de l’œil. Il accueillit la Révolution naissante avec plaisir; on lui parlait de réforme, il applaudit.

Les évènements se succédèrent rapidement. La prise de la Bastille laisse indifférent, tout aussi bien que la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, même les premières atteintes portées à l’Église ne l'inquiètent pas outre mesure. On met en vente les biens des abbayes, des couvents, des presbytères mêmes, la Vendée est calme. Ce qui l'épouvante, ce qui mit le feu aux poudres, ce qui fut la cause première et principale de la guerre vendéenne, ce fut la loi ou plutôt l'exécution de la loi appelée "Constitution civile du Clergé". Cette loi fut promulguée le 9 janvier 1791 dans le Maine-et-Loire, le 15 dans la Loire-Inférieure, le 18 ou 19 dans la Vendée. Notre pays comprit tout de suite qu'il courait un risque terrible pour sa piété, celui de perdre ses prêtres."_

Ce texte mérite quelques remarques :

1- au sujet de la concorde social sous l'ancien régime, les recherches relatives aux propriétés à Mouzillon montrent une autre version de la vie des habitants de cette zone du sud Loire et en particulier des Mouzillonnais; Joseph LEBAS, qui est originaire de Maisdon-sur-Sevre, n'avait aucune mémoire du baptème d'un esclave à Monnières le 21 juin 1750; il avait oublié qui étaient les propriétaires à Mouzillon et qui étaient les viticulteurs qui exploitaient les vignes à complant

2- au sujet de la Constitution Civil du Clergé, le rédacteur oublie que le curé de Mouzillon en place en 1791, Julien BECHU-DESHAYES, avait prêté serment et qu'il a vécu à Mouzillon jusqu'à sa mort en 1794.

3- au sujet des soulèvements, le rédacteur oublie que c'est la conscription prévue pour le 8 mars 1793 qui a été l'origine des premières manifestations sur le territoire de la Vendée militaire;

4- au sujet des violences, il oublie de dire que les Mouzillonnais étaient divisés et qu'ils se sont opposés et parfois tués entre eux.

Au XXIe siècle, il nous revient d'être moins partisans et mieux comprendre l'ensemble des faits et les souffrances qui les ont accompagnés.

La société de musique

La société de musique a développé une démarche artistique avec la création de la Lyre Mouzillonnaise... mais sous la houlette de l'abbé JUDIC.

La société sportive

En 1954, se met en place une section Gymnastique de l’Étoile Mouzillonnaise : le directeur sportif est le vicaire : l'abbé HALBERT

En 1962, se met en place une section Gymnastique féminine : les président d'honneur sont M. Le curé et Raphaël Hardy (le maire).

Un nom de rue

Dans les années 1960, la rue de la Fosse dont le nom est attesté tout au long du XIXe siècle par différents documents est devenue la rue de l'évêché... sans qu'il y ait une trace de propriété ou d'évènement liés à un évêché.

La création de la Caisse Rurale

Le livre "Raconte-moi Mouzillon" précise (page 103) :

"Au cours des années 1952-1960, le curé Édouard Taverson va avoir le soucis de la promotion économique des Mouzillonais. C'est dans ce sens qu'il popularise la Caisse Rurale qui deviendra la Caisse de Crédit Mutuel."

L'initiative ne fait aucun doute, elle a pour origine le responsable religieux de la paroisse.

Il fallut attendre 1975 pour que germe une vitalité différente

Le 23 février 1975, la maire de Mouzillon, Robert BOUET, prend l'initiative d'une réunion visant à créer le club des joyeux ainés du vignoble.

Quelques années plus tard, en 1979 s'ouvre l'école publique de la Sanguèze.

Au XXIe siècle le livre "Raconte-moi Mouzillon" est significatif de cette mémoire partielle des Mouzillonnais

le chapitre 5 sur la vie religieuse

Ce chapitre présente les photos des monuments religieux situés en différents lieux du territoire, de la Barre à l'Augerie, de la Recivière à la Biscourie. Ces monuments témoignent de la volonté de concrétiser l'attachement à la foi catholique

l'avant-propos

L'avant-propos de "Raconte-moi Mouzillon" a pour titre "Devoir de mémoire..." l'expression renvoie à l'holocauste mis en place par le régime nazi entre 1940 et 1945.

Quel est le motif qui a conduit le rédacteur à faire référence à cette période du milieu du XXe siècle ?

Peut-être des évènements personnels ?

Où peut-être parce que les contre-coups des violences de 1793-1796 hantent encore les Mouzillonais ?

Quoi qu'il en soit, le texte même de cet Avant-propos donne une réponse "Là, se confond la légende et la vérité ! Sans doute, mais lorsque la légende est plus belle que la vérité, il faut toujours écrire la légende."

La vérité est que des Mouzillonais se sont entre-tués: cette vérité apparait moins glorieuse que l’épopée des Vendéens qui ont combattu dans l'Armée Royale et Catholique. Aussi choisi-t-on la légende qui s'est développée à partir de 1830 autour de la vie paroissiale.

Les photos de la 4ème de couverture

L'ouvrage qui a été publié en 2020 présente 4 photos en quatrième de couverture

--> la première présente la Fontaine Saint-Julien qui n'est pas évoquée dans l'ouvrage, mais dont de nombreux articles de presse soulignent l'histoire fabriquée et le caractère supposé miraculeux de l'eau de cette fontaine.

--> la deuxième présente une vue aérienne de l'église paroissiale

--> la troisième présente le pressoir long-fut, mais avec en perceptive l'église... comme si le pressoir n'avait pas sa raison d'être sans aspect religieux.

--> la quatrième est une scène relieuse représentée sur vitraux de l'église. description

L'activité des Mouzillonnais importe peu, l'inconscient est mobilisé par cette question d'une mémoire religieuse qui occulte la diversité et la créativité de le vie réelle.

La version religieuse enveloppe cette page.

Des articles dans la presse locale

Dans le journal local, sous couvert de présentation historique plus ou moins légendaire, des articles évoquent le passage de Louis IX à Mouzillon, son arrêt à la Fontaine Saint- Julien pour apprécier l'eau miraculeuse ! Sans qu'aucun texte ne permet de garantir le passage de Louis IX sur ce lieu en 1230.

Louis IX est aussi appelé Saint Louis; c'est donc la visée Royale et Catholique qui est encore mise en avant.

L'impact des violences et de la honte vécues par les Mouzillonnais pendant la période révolutionnaire continue de hanter les esprits.